Navettes autonomes: les Français à la conquête du monde

(Paris, le 27 février 2017)

Alors que plusieurs acteurs se disputent la suprématie du futur véhicule sans chauffeur, la France est bien partie pour s’imposer sur le créneau moins concurrencé de la navette autonome. Un concept qui constitue le chaînon manquant entre le véhicule particulier et les transports en commun.

Aussi étrange que cela puisse paraître, la France a été en pointe dans l’automatisation de la conduite. Dès les années 90, les chercheurs de l’INRIA et de l’Ecole des Mines savaient faire rouler des prototypes capables de se garer et de rouler seuls, sans l’aide d’un conducteur. On appelait ces véhicules des Cycabs (comme Cyber Cab). Ils ont fait les beaux jours de programmes européens comme CityMobil, avec des tests organisés notamment à La Rochelle. Les recherches n’ont pas été valorisées par les constructeurs français, qui n’ont pas su saisir le potentiel du véhicule autonome à l’époque. Mais, ce savoir-faire a fini par donner naissance à deux sociétés, qui proposent aujourd’hui des modèles de série à destination des collectivités et de clients pour un usage privé.

La première est Navya avec sa navette ARMA. Côté face, on sait que la société, basée à Lyon, a été financée par le fonds Robolution de Bruno Bonnell, ex co-fondateur d’Infogrames. A l’issue de plusieurs levées de fonds, elle compte plusieurs actionnaires dont Keolis et Valeo. Côté pile, Navya a en fait repris les actifs de la société Induct, créée en 2004 et qui avait lancé une première navette, la Cybergo. Elle capitalise donc d’une certaine manière sur les brevets de l’INRIA.

La seconde, Easymile, met en avant l’EZ10. C’était à la base une joint-venture entre Ligier et la société Robosoft (créée en 1985 et oeuvrant comme son nom l’indique dans la robotique). Cette dernière avait d’ailleurs conçu la navette automatisée qui transporte les visiteurs du parc Vulcania en Auvergne. La structure a évolué, de telle sorte qu’Easymile est aujourd’hui opérée en fait par Robosoft, le rôle de Ligier se limitant à celui de partenaire industriel. Ce même Ligier avait pourtant présenté dès 2009 le VIPA (Véhicule Individuel Public Automatisé) : un véhicule électrique et autonome, réalisé avec l'aide du LASMEA, et qui a roulé à titre expérimental dans l'enceinte de l'hôpital Estaing à Clermont. Le VIPA avait été exposé au Mondial de l’Automobile en 2010, tout comme la navette Cybergo d’Induct. Précisons qu’Easymile vent d’accueillir au capital Alstom.

Aujourd’hui, ces deux acteurs multiplient les expérimentations autour du monde. Il ne s’agit pas de tester pour le plaisir d’épuiser des crédits de recherche (spécialité bien française), mais de faire la preuve que leur technologie est viable pour un usage réel. Ainsi, Navya a profité du dernier CES de Las Vegas pour mettre en circulation sa navette dans les rues de la ville et transporter des personnes en mode autonome. La PME lyonnaise a aussi mis en circulation des navettes dans sa ville d’origine, dans l’éco-quartier branché de Confluence, ainsi qu’à l’intérieur de la centrale EDF de Civaux (Vienne). A ce jour, plus de trente navettes ARMA ont été déployées à travers le monde (France, Suisse, Singapour, USA, Nouvelle Zélande, Qatar, Australie). Plus de 100.000 passagers ont été transportés par ces véhicules.

Easymile n’est pas en reste. En ce moment, deux véhicules sont testés jusqu’à début avril à Paris, sur le pont Charles-de-Gaulle, qui fait le lien entre les gares de Lyon et d’Austerlitz. Les navettes ont aussi été expérimentées à Rouen, Toulouse, Bordeaux, en Suisse, aux Pays-Bas, en Finlande, en Norvège, aux Etats-Unis, au Japon, à Singapour ou encore à Dubai.

Le point commun de ces deux champions du transport à la demande automatisé est qu’ils ont su convaincre des acteurs comme Keolis et Transdev. La navette autonome et collective est un atout pour renforcer l’attractivité du transport public, pour des dessertes dans des zones où le bus, le tramway et le métro sont absents. Et il y a un réel potentiel dans les campus de grandes entreprises, où les distances entre bâtiments peuvent être couvertes sans faire appel à un véhicule individuel. Michelin a par exemple choisi de déployer des navettes Easymile au sein de son nouveau site de R&D à Ladoux, près de Clermont.

Pour le moment, Easymile et Navya sont relativement seuls sur ce créneau, mais Local Motors et 2Getthere ont aussi flairé le filon du véhicule collectif autonome.