À partir du 1er janvier 2026, les gestionnaires de flottes devront composer avec une hausse mécanique, mais rarement explicitée, du coût des énergies. Carburants comme électricité seront impactés. En cause notamment l’augmentation de l’enveloppe consacrée aux Certificats d’Économie d’Énergie (CEE), qui passera de 6 à plus de 8 milliards d’euros. Ce changement réglementaire, en apparence technique, aura un impact financier très concret pour les entreprises et les conducteurs. Explications…
Un surcoût de 5 à 6 centimes par litre de carburant
Les CEE fonctionnent selon le principe de « pollueur, payeur » : les énergéticiens doivent financer des actions d’économies d’énergie. Mais faute d’argent « magique », ils répercutent très souvent ce coût directement sur les prix. Car il faut dire que les montants sont considérables : les énergéticiens doivent obtenir 1 050 térawattheures d'économies d'énergie (dits cumac). Au prix courant du certificat, entre 9 et 15 euros le mégawattheure cumac (cumulé et actualisé), cela représente plus de dix milliards d'euros par an.
Selon les estimations, les CEE représentent déjà aujourd’hui environ 11 centimes par litre de carburant. En 2026, ce sera 15 à 17 centimes. L’Union française des industries pétrolières (Ufip) prévoit en effet une augmentation de 4 à 6 centimes du prix au litre d’essence et de gazole. « Les marges nettes des distributeurs étant de l’ordre de 1 à 2 centimes, il est certain que l’augmentation [de l’enveloppe des CEE] sera répercutée », précise son président, Olivier Gantois.
Le poste carburant pesant pour 13 % du TCO d’un véhicule particulier (VP) et jusqu’à 29 % pour un véhicule utilitaire léger (VUL), selon le dernier TCO Scope de l’Arval Mobility Observatory, cette augmentation ne sera donc pas anodine pour les budgets des flottes. Un VP roulant 25 000 km/an avec une consommation moyenne de 1 500 litres subira au global une augmentation de 90 €. La consommation d’un VUL à 35 000 km/an et 9 L/100 coutera 180 € de plus. Sur une flotte de 500 véhicules, la hausse pourrait donc s’élever de 45 000 à 90 000 €.
L’électricité ne sera pas épargnée
Les CEE pèsent également sur le prix du kilowattheure : plusieurs euros/MWh aujourd’hui, davantage en 2026. Récemment, Engie et EDF ont confirmé que l’augmentation de leurs obligations en matière de CEE seraient répercutées sur la facture des clients. La prochaine révision tarifaire, attendue en février prochain, pourrait donc intégrer une hausse de 3 à 4 % sur la facture d’électricité, selon les premières estimations. Les flottes électrifiées seront donc impactées… mais moins fortement qu’en thermique, la recharge représentant 8,5 % du TCO d’un VP électrique et 14,7 % pour un VUL.
Face à un mécanisme en partie financé par les consommateurs, le Gouvernement se défend
Pour mémoire, mis en place en 2005, les CEE obligent les fournisseurs d’énergie (carburants, gaz, électricité) à financer des actions d’économies d’énergie comme MaPrimeRenov’ ou plus récemment le bonus écologique et le leasing social pour l’achat de véhicules électriques. Le transfert de certaines aides aux CEE a ainsi bien arrangé le Gouvernement en quête d’économie sur ses dépenses publiques.
S’il a aussi permis de revoir à la hausse les subventions (voir encadré ci-dessous), on a finalement le sentiment d’un cercle vicieux qui se met en place : plus d’aides financées par une hausse des prix sur les énergies ! Selon plusieurs économistes, notamment le professeur Sylvain Chassang, les CEE représentent alors « une taxe invisible », prélevée sans vote parlementaire, et pesant en moyenne 300 € par foyer et par an.
Face à ces critiques, le Gouvernement tente une défense : « Aux énergéticiens de s’organiser pour remplir leurs obligations sans faire payer les consommateurs : c’est leur responsabilité », a lancé le ministre de l’Économie, Roland Lescure, tout en reconnaissant que « l’impact existe, c’est un fait. »
Pour les gestionnaires de flottes, cela signifie que la trajectoire budgétaire 2026-2030 devra inévitablement intégrer des carburants durablement plus chers, une électricité plus coûteuse, et un TCO en hausse, même en basculant au tout électrique.
| Bonus écologique : maintien des aides via les CEE avec des primes en hausse pour les ménages
Le Gouvernement vient d’annoncer la reconduction du bonus écologique et de la surprime « batterie » pour les particuliers, tels qu’actuellement en vigueur. Les ménages les plus modestes pourront prétendre à une aide jusqu’à 5 700€ pour l’achat d’un véhicule électrique à laquelle pourra s’ajouter le sur-bonus de 1 200 à 2 000€ si le véhicule est équipé d’une batterie européenne. Des montants en apparence en hausse, mais il ne faut pas se laisser berner : les montants communiqués par le Gouvernement ne sont que des estimations calculées sur les évolutions récentes du cours des CEE, qui financent ces aides. Aujourd’hui, le kWh Cumac s’échange autour de 9€ pour les ménages classiques et environ 15€ pour les ménages en situation de précarité. De plus, le montant final de la subvention dépend aussi des négociations contractuelles entre les différents constructeurs et les obligés. Pour tout connaître du fonctionnement des CEE, cliquez ici. Notons également, qu’aucune déclaration n’a été faite à ce jour concernant les aides accordées aux flottes automobiles des entreprises via le dispositif des CEE. Des annonces devraient suivre prochainement. |
CEE, une efficacité réelle contestée
Aussi selon Roland Lescure, « les CEE sont utiles et concrets. Ils servent les plus modestes ». Des affirmations soutenues par le Groupement des professionnels des certificats d’économies d’énergie (GPCEE), selon qui, les CEE seraient le 1er contributeur à la baisse de la consommation d’énergie en France (130 TWh/an d’économisés entre 2018 et 2024, dont 25 TWh/an par l’amélioration de l’efficacité des véhicules). Ils seraient ainsi responsables de 48 % des baisses d’émissions dans les secteurs aidés.
Mais d’autres analyses dressent un tableau plus nuancé. L’association de défense des consommateurs, UFC-Que Choisir, estime que 40 % des CEE attribués ne correspondent pas à des économies réelles. La Cour des comptes dénonce aussi, de son côté, des fraudes massives et un dispositif « de plus en plus complexe », qu’elle qualifie « d’instable et couteux pour les ménages ». Il se pourrait donc que le système des CEE, dont une partie des bénéfices est captée par des intermédiaires, soit prochainement réformé comme le préconise fortement l’institution supérieur de contrôle.