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Le pilotage de la recharge des véhicules électriques en 5 questions

Energies 19 Novembre 2025

Le pilotage de la recharge n’est plus une option : c’est un levier essentiel pour les flottes d’entreprises qui veulent accélérer leur transition énergétique sans exploser leur facture. Alors que les usages et les volumes électriques continuent de croître, adopter une stratégie intelligente de recharge permet non seulement de réduire les coûts, mais aussi de contribuer à la flexibilité du système électrique. À la croisée des enjeux économiques, techniques et écologiques, le pilotage de la recharge – encore trop peu répandu – doit désormais s’imposer comme un standard.

1/ Pourquoi le pilotage de la recharge devient-il incontournable ?

Selon une récente étude publiée par Enedis*, les flottes d’entreprises parcourent aujourd’hui en moyenne 105 km par jour avec un véhicule 100 % électrique, contre 69 km en 2024, rejoignant presque les niveaux des véhicules thermiques. Cette montée en puissance ouvre la voie à des stratégies de recharge plus intelligentes : plus les VE roulent, plus le pilotage a un impact significatif sur le coût, la disponibilité et l’équilibre du réseau.

Pourtant, un paradoxe subsiste : si près de 50 % des entreprises disposent désormais d’un point de charge par véhicule, seules 36 % déclarent piloter la recharge. Ce chiffre progresse (15 points de plus en un an selon Enedis), mais une majorité d’entreprises investit encore dans des bornes… sans tirer pleinement parti du potentiel d’optimisation.

Les gestionnaires de réseau voient également dans le pilotage de la recharge un levier essentiel pour garantir la disponibilité et la flexibilité du réseau électrique. Pour RTE (gestionnaire du réseau de transport d'électricité en France métropolitaine), 70 à 85 % des recharges pourraient être reportées, à condition de mettre en place des mécanismes intelligents de gestion. Enedis anticipe qu’en 2035, la généralisation du pilotage pourrait éviter un pic de puissance de 10 GW, soit l’équivalent d’une dizaine de réacteurs nucléaires. Dans ce cadre, les flottes constituent un gisement particulièrement important en raison de la prévisibilité de leurs usages.

2/ Qu’est-ce que piloter la recharge ?

Le pilotage de la recharge, ou « smart charging », repose sur plusieurs briques technologiques et stratégiques. On identifie plusieurs types de recharge (source EDF) :

Type de charge Comportement Résultat
Charge naturelle La charge commence aussitôt que le véhicule est branché à la borne. C’est le comportement majoritaire pour les électromobilistes aujourd’hui : 65 % des charges à domicile (étude Enedis 2024).
Pilotage statique La charge est effectuée durant les heures creuses, comme pour le ballon d’eau chaude. Le futur comportement par défaut. Rapide et simple à implémenter.
V1G (pilotage dynamique) La charge est optimisée de façon dynamique selon de nombreux critères. Solution qui permet une vision utilisateur globale, intégrant notamment ses besoins pour un résultat gagnant-gagnant entre l’utilisateur et le système électrique.
V2H / V2B (pilotage dynamique) La charge est bidirectionnelle : le véhicule réinjecte dans le bâtiment ou la maison mais pas dans le réseau. Solution implémentée dans les cas d'usages favorables, avec forte valeur ajoutée pour l'utilisateur et le système électrique.
V2G (pilotage dynamique) La charge est bidirectionnelle avec réinjection du surplus dans le réseau.  Solution implémentée dans les cas d'usages favorables, avec forte valeur ajoutée pour l'utilisateur et le système électrique.

Concrètement, comment cela fonctionne ? Les plateformes de gestion communiquent via des modems 3G/4G, le Wi-Fi ou une liaison filaire, et remontent en temps réel des données sur l’état des bornes : puissance appelée, disponibilité, alertes (début/fin/interruption de session), etc. Hébergés dans le cloud, ces systèmes offrent une supervision centralisée : tableaux de bord sécurisés, gestion des accès et des réservations, scénarios de charges optimisés, alertes automatiques. Parmi les services clés attendus :

  • maintenance prédictive (détection précoce d’anomalies, planification des interventions) ;
  • facturation ou refacturation aux salariés (recharge sur site ou à domicile) ;
  • gestion intelligente des utilisateurs (réservations, priorisation, contrôle des droits) ;
  • optimisation horaire selon les prix de l’électricité, les pics du réseau ou la production photovoltaïque ;
  • intégration progressive de services de flexibilité (V1G, V2G).

Les logiciels de gestion de flotte évoluent rapidement pour désormais proposer une gouvernance complète de la recharge.

3/ Quels sont les bénéfices concrets du pilotage ?

a) Économies d’énergie, réduction des coûts et optimisation d’usage

En V1G, les gains bruts estimés se situent entre 150 et 200 €/VE/an, selon le taux de branchement. En V2G, ces gains pourraient atteindre 350 à 450 €/VE/an. Ces estimations, publiées par EDF, ne tiennent pas compte des coûts opérationnels, mais le surcoût d’une borne V2G reste limité à quelques centaines d’euros. Le retour sur investissement peut donc être très rapide, notamment pour les grandes flottes ou celles ayant une forte fréquence de recharge.

Au-delà des économies directes, le pilotage peut générer d’autres bénéfices concrets pour les parcs automobiles, comme :

  • garantir la disponibilité des véhicules sans surcharge du réseau interne tout en réduisant les imprévus et en améliorant la ponctualité des missions terrain ;
  • réduire les besoins en puissance installée pour éviter une augmentation d’abonnement électrique ou des travaux coûteux d’extension de réseau par exemple ;
  • exploiter l’énergie solaire locale pour les sites équipés de photovoltaïque, réduisant d’autant la consommation réseau et l’empreinte carbone ;
  • simplifier la gestion administrative grâce à la remontée des données et faciliter la facturation interne, les remboursements salariés, la consolidation des coûts énergétiques, les rapports ESG et bilans carbone...

b) Allongement de la durée de vie des batteries

Des essais réalisés en laboratoire par EDF montrent également que le pilotage V1G réduit la dégradation des cellules. Sur 12 ans d’usage, cela représente l’équivalent de 4 années de dégradation évitées par rapport à une recharge non pilotée. En V2G, même si la batterie est davantage sollicitée, les niveaux de dégradation restent proches de ceux d’une recharge classique lorsque le pilotage est optimisé. Résultat : une autonomie préservée et des batteries plus durables, sans compromettre la disponibilité du véhicule.

c) Flexibilité pour le réseau

À grande échelle, le pilotage contribue à lisser les pics de demande électrique, à limiter les investissements dans les infrastructures et à valoriser les énergies renouvelables. Selon EDF, à horizon 2035, le V1G pourrait représenter 30 % de la flexibilité journalière, 15 % pour le V2G.

4/ Y a-t-il encore des freins et des obstacles à lever ?

Plusieurs obstacles ralentissent encore aujourd’hui l’adoption du pilotage en entreprise :

  • Coût initial et complexité perçue : 21 % des non-utilisateurs citent le coût, 16 % la complexité selon l’étude Enedis*.
  • Verrous technologiques : incompatibilité de certaines bornes ou véhicules avec le V2G, connectivité insuffisante.
  • Modèles d’affaires encore émergents : absence d’un standard dominant, marché encore fragmenté, difficulté à choisir un fournisseur unique.

5/ Alors, comment passer concrètement au pilotage de la recharge ?

Pour les gestionnaires souhaitant tirer parti du pilotage, plusieurs étapes sont à suivre :

  1. Auditer les besoins : analyser les usages, les rythmes, la flexibilité des VE et la capacité du site.
  2. Choisir une solution adaptée : démarrer en V1G, avec une trajectoire vers le V2G lorsque les véhicules et bornes évolueront.
  3. Sélectionner un fournisseur fiable : connectivité robuste, supervision, facturation, maintenance.
  4. Sensibiliser les collaborateurs : formation aux bonnes pratiques, communication sur les gains économiques et environnementaux.
  5. Surveiller les innovations : plug & charge, recharge inductive, V2G opérationnel, intégration accrue des ENR (voir encadré ci-dessous).

En investissant dès aujourd’hui dans des solutions de pilotage et en anticipant les évolutions technologiques, les gestionnaires de flotte peuvent passer d’un modèle « simplement branché » à un modèle réellement « piloté » plus durable, plus rentable et pleinement aligné avec les défis énergétiques de demain.

⏩ Innovations de la recharge électrique

Plusieurs technologies se développent pour rendre la recharge plus simple et accessible à tous. D’abord, le plug & charge qui permet au véhicule d’être identifié automatiquement à la connexion, sans badge ni application externe. Ici, la charge démarre dès la connexion. Les câbles intelligents et pilotables (programmation horaire, réglage de puissance, remontée de consommation) peuvent remplacer ou compléter des bornes. La recharge sans fil par induction promet de rendre la recharge aussi simple que garer sa voiture.

*Enquête réalisée avec l'institut de sondage CSA : 600 entreprises interrogées dont 300 ayant entamé l'électrification de leur flotte, mai 2025.
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