Voiture autonome : quels enjeux pour l'entreprise ?

(Paris, le 1er mars 2016)

Dans le dernier cahier publié par l'Observatoire sur le véhicule connecté, Me Rémy Josseaume, Avocat à la Cour et Président de l'Automobile Club des Avocats, précise à quels défis devront faire face les entreprises.

Si l’automatisation des véhicules ne peut que progresser dans les prochaines années, par l’exploration technologique, il est déjà possible d’envisager que des enjeux spécifiques à l’introduction du véhicule autonome se posent aussi aux entreprises. Ne serait-ce déjà parce que l’accident de la route est la première cause de décès au travail.

La loi impose à l’employeur de mettre en œuvre toutes les mesures propres à garantir la santé et la sécurité de ses travailleurs, qu'ils se trouvent dans l'entreprise ou sur la route au volant d'un véhicule. La responsabilité de l’employeur est d’ores et déjà engagée lorsqu’il met à la disposition d'un salarié un véhicule pour lui permettre d'exécuter son contrat de travail.

Il est tenu à son égard à une obligation de sécurité et se doit de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter de mettre en péril la sécurité de ses salariés (maintien en état de conformité et de bon fonctionnement du véhicule).

- La responsabilité pénale de l’employeur peut être retenue si par ses manquements, son imprudence ou sa négligence fautive, il est à l’origine d’une situation périlleuse ayant rendu possible la survenance de l'accident.

- Sa responsabilité civile peut également être engagée du fait des actions accomplies par son employé à la suite d’un accident de la circulation ayant entraîné des dommages corporels, matériels, etc.

- Enfin, les dispositions de l’article L.452-1 du Code de la sécurité sociale visent la responsabilité de l’employeur pour une faute inexcusable de sa part si un salarié est victime d’un accident de la route alors que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience que son salarié était exposé à un danger et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
L’avènement puis la démocratisation d’un véhicule sûr éliminant l’erreur humaine, pacifiant les conditions de circulation en faisant disparaître le risque professionnel de l’accident de la route, ne peut que séduire le monde de l’entreprise. La nature du parc automobile d’une société s’avère essentielle pour améliorer autant le confort de ses salariés, son image et la gestion du risque. L’apparition d’une nouvelle technologie sera l’un des défis à relever dans la gestion du matériel appartenant à l’entreprise pour des gestionnaires de flotte.

Avec le déferlement des objets connectés, il existe d’ores et déjà des options du véhicule conçus pour la réalisation de cet objectif, soit assister le conducteur dans la vie de l’habitacle (appareillage téléphonique), soit permettre son suivi par l’employeur (géolocalisation). D’aucuns parlent de bureau roulant.

Divers éléments viennent également assurer ou limiter à ce jour les risques de la conduite motorisée.

C’est par exemple la ceinture connectée qui lutte contre la somnolence. Les objectifs principaux que les décideurs peuvent entrevoir dans le véhicule autonome touchent tant la sécurité que la gestion des déplacements de leur personnel, sans perdre de vue les gains de productivité.

Une voiture autonome, que cela permette de travailler en conduisant ou de se reposer pendant le trajet, aura cette vertu d’améliorer les conditions de travail. En effet, la fatigue est une déperdition d’énergie que le salarié pourrait investir dans d’autres activités.

Enfin, la collecte, l’accès et la gestion des données numériques du véhicule et de ses trajets devront sans nul doute être encadrés. L’employeur a déjà la possibilité de connaître la localisation du salarié à l’aide de dispositifs installés et posés dans les voitures. Plus qu’un autre, le véhicule autonome risque de poser alors un enjeu relatif à la vie privée s’il devient possible de connaître sa localisation à tout moment.
Il conviendra de déterminer les conditions dans lesquelles il sera possible ou non de consulter, et de conserver, les données relatives aux déplacements d’un salarié tout en séparant ceux qui sont privés des professionnels, à l’image notamment de ce que la jurisprudence distingue de la sphère privée de la sphère professionnelle.

Là aussi, difficile de ne pas envisager à terme une inflexion de la réglementation en ce qui concerne le véhicule autonome, par nature intégralement informatisé, et collecteur de données, laquelle prohibe à ce jour la géolocalisation d’un véhicule mis à la disposition d’un employé dans le but de contrôler le respect des limitations de vitesse et plus généralement de contrôler en permanence le salarié.

La CNIL interdit, rappelons-le, ce dispositif pour les véhicules utilisés pour les salariés libres dans l’organisation de leurs déplacements, pour suivre les déplacements des représentants du personnel dans le cadre de leur mandat, et plus généralement pour collecter la localisation en dehors du temps de travail.